Historique du 14e régiment de hussards

article publié dans Soldats Napoléoniens n°16, javnier 2015

Régiments peu connus, les deux 14e hussards formés à la fin de l'Empire n'en déméritent pas moins par rapport à leurs glorieux frères de l'arme des hussards.

 

Le premier 14e hussards

 

            Le 14e régiment de hussards est formé par décret du 28 janvier 1813 à Turin, même si sa formation est déjà dans les papiers depuis le 26[1]. Il est recruté dans les départements italiens mais aussi dans les départements français frontaliers des Alpes. Il comporte huit compagnies et un dépôt créé le 11 mai 1813.

L’organisation du régiment entre dans le système de réorganisation de l’armée planifiée dès janvier et février 1813 par Napoléon, mais aussi de la création de trois divisions françaises au corps d’Observation d’Italie qui doit se mettre en marche entre le 1er et le 15 mars. Napoléon est d'autant plus pressé que dès le 27, le régiment entre dans la composition du corps d'Observation d'Italie : « La cavalerie de ce corps doit être composée d'un régiment napo­litain de 1 000 chevaux, d'un régiment italien de 1 000 chevaux, de six escadrons du 10e de chasseurs de 1 500 chevaux, de quatre escadrons du 13e de hussards et de quatre du 14e, 2 000 chevaux ; ce qui fera 5 500 chevaux ».

            Si le recrutement du régiment ne semble pas poser de problèmes majeurs, son habillement et ses détails retardent la formation. Ces soucis ne viennent pas de Turin mais de Paris. En effet, le 4 mars, Napoléon s'impatiente et écrit au comte de Cessac, directeur de l'administration de la guerre : « on attend depuis 15 jours à Turin votre réponse sur la couleur des pelisses, dolmans et pantalons pour le 14e hussards. Le 8 février on ne l'avait pas encore ». Quelques jours plus tard c'est au tour de la princesse Elisa de poser la question : le « décret relatif à la formation du 13e régiment de hussards porte que le régiment aura l'uniforme du 8e de hussards et le 14e l'uniforme du 2; mais l'instruction du ministre directeur annonce au contraire que le 13e régiment aura l'uniforme du 2e. Mandez-moi je vous prie...si vous avez...des explications » écrit-elle au prince Borghèse. En effet, le 14e hussard est formé sans que l'on sache de quelle couleur son uniforme sera. Le 3 avril, le ministre directeur de l'administration de la guerre informe le comte Daru que « l'uniforme tel que ce corps [le 8e hussards] le portait antérieurement à ce décret[2], est en ce moment affecté au 14e régiment de hussards qui s'organise en Italie »[3], à savoir dolman vert, collet et parements écarlates, hongroise verte galonnée de blanc, charivari vert galonné écarlate, shako noir même pour la compagnie d'élite. Toutefois, le 11 mars 1813, Napoléon tranche en faveur de la première hypothèse : « Il paraît que l'uniforme de 13e sera le même que celui du 14e. Il faut le laisser ainsi, cela n'a pas d'inconvénient et peut même avoir des avantages ». Dès lors, le 14e reçoit un uniforme proche de celui du 2e hussards : dolman brun, tresses et galons blancs, boutons blancs. Le collet et les parements sont bruns. La pelisse est en drap brun, fourrure noire et tresses blanches. La hongroise est bleue céleste, galonnée blanc. La sabretache est en cuir noir avec un aigle blanc surmontant le chiffre 14.

Le commandement est donné au major Garavaque du 5e lanciers, nommé colonel le 8 février [4]. Le major est nommé le 8 mars en la personne du chef d'escadron Canavas du 25e dragons[5]. Le colonel prend son commandement le 14 mars. Le 12 mars, Camille Borghèse, gouverneur général des départements au-delà des Alpes, reçoit le procès-verbal d’organisation qu’il transmet au duc de Feltre le lendemain. Le régiment compte alors 821 hommes, « presque tous des enrôlés volontaires » et 833 chevaux. La 9e compagnie, celle de dépôt, est organisée le 1er juillet. Le recrutement des cadres est compliqué à cause des incessants mouvements, des difficultés à rejoindre et des blessures, sans compter le revers que constitue le défaut d’enrôlement des anciens officiers piémontais. Toutefois le régiment est mis en place : « les hommes sont superbes, l’espèce de chevaux est généralement bonne. Les officiers, sous-officiers et brigadiers présents sont sans aucune instruction, sans expérience … les casernes ne désemplissent pas de parents et amis, ce qui rend la discipline plus difficile à établir ». De mars au 13 juillet, le régiment reçoit des soldats de différents régiments d’infanterie en échange de conscrits italiens versés au régiment mais inaptes à la cavalerie. Si 110 Français, de l’Ain, du Doubs et du Jura rejoignent, 74 Italiens rejoignent aussi. Les 110 Français viennent du 7e de ligne (47 hommes), 20e de ligne (54 hommes) et 42e de ligne (9 hommes). Les Italiens viennent des 156e de ligne, pour 63 d’entre eux et du 1er léger pour 11 autres. L’arrivée des Français est un gage de fidélité, les Piémontais étant jugés peu fiables.

Toutefois, dès avril, le régiment est sur pied. Il compte 1 000 hommes formés de volontaires et de cavaliers envoyés par les communes italiennes. Le 20 avril, 471 hommes de deux escadrons se mettent en route. Ces deux escadrons ne manquent de rien au point que le départ des deux autres escadrons est escompté pour la quinzaine suivante. Le régiment est affecté au 4e corps du général Bertrand. Les deux premiers escadrons sont commandés par le colonel, les deux suivants, passés en revue par le prince Borghèse, quittent Turin sous les ordres du chef d'escadron Weigel le 25 mai pour rejoindre l’Allemagne. Ce même jour, les 3e et 4e escadrons quittent aussi Turin après avoir été passés en revue par le Prince Camille et avoir déjeuné assis sur le gazon.

            Alors que l'armistice de Pleswitz est signé le 4 juin, le régiment cantonne. Le 18 juillet, les 4 escadrons réunis arrivent à Bamberg. Ils sont affectés au 14e corps de Gouvion Saint-Cyr, sous les ordres de Pajol,  avec le 7e régiment de chevau-légers et le 2e régiment de chasseurs italiens. Début juillet 1813, avec sa division, le régiment est placé en surveillance sur la frontière autrichienne. Le régiment, sous les ordres du Roi de Naples, se fait remarquer le 26 août à la bataille de Dresde, où il perd 10 officiers blessés [6] : « placé en tête de colonne ... il a chargé et culbuté les hussards hongrois de Barco aux cris de vive l'Empereur qui était présent ». Cette action, annoncée au dépôt de Turin le 16 septembre suivant, lui vaut les honneurs impériaux : « Sa Majesté a eu la bonté de faire appeler le soir même le colonel et de lui adresser ces paroles : votre régiment s'est bien battu. Je me souviendrai de vous et de lui ; dites-lui de ma part que je suis content »[7]. Le 18 septembre, un sous-lieutenant est blessé devant Pirna. Le 19 octobre, un autre sous-lieutenant est blessé à Leipzig.

Le 14e hussards participe activement à la défense de Dresde et donne plusieurs fois, ayant trois officiers blessés les 6 et 25 septembre et le 22 octobre. La vie dans la ville assiégée est morne : « Nous menions à Dresde une vie fort triste. La situation d'une ville assiégée, la misère générale qui en est la suite, ne sont pas favorables aux grandes réunions et aux plaisirs. Cependant on aurait pu entretenir des relations avec quelques personnes de la ville, et la moindre distraction nous eût été d'un grand secours. Je ne voulus m'en permettre aucune. La garde des faubourgs et des redoutes qui leur servaient d'avant-postes nous était confiée. Une attaque de vive force était peu vraisemblable ; cependant nous ne devions rien négliger. Je n'ai déjà eu que trop l'occasion de montrer combien nos troupes avaient besoin de surveillance. Il est permis à la guerre d'être vaincu ; il n'est jamais permis d'être surpris. Je mettais beaucoup de prix pour ma part à termi­ner avec honneur la tâche qui nous avait été imposée et dont le triste dénouement ne pouvait pas se faire longtemps attendre »[8]. Le régiment tient jusqu’au 11 novembre et est fait prisonnier lors de la reddition de la ville

De son côté, l'escadron de dépôt du régiment, resté en Italie, est employé à combattre les Anglais qui tentent de débarquer sur les côtes italiennes. Le 14e régiment de hussards est dissous fin novembre 1813. Toutefois, le 10 décembre 1813 se forme la 10e compagnie qui permet la création du 5e escadron.

 

Le second 14e hussards

Le 14e hussards est recréé en Italie le 13 décembre 1813 en utilisant les effectifs restant du 5e escadron et ceux du 13e régiment licencié le 31 janvier. Cette recréation fait partie de la réorganisation de l’armée voulue par Napoléon, de retour à Paris, après Leipzig.

Le régiment est créé à Turin où se trouve le dépôt du 14e de première formation toujours sous le commandement du major Blot. Le nouveau 14e est formé le 1er février. Il amalgame 21 officiers, 205 hommes et 288 chevaux de l'ancien 13e hussards présents en Italie ainsi que 5 officiers, 351 hommes et 170 chevaux du même régiment présents à Magdebourg et Wurtzbourg. Sont ajoutés les hommes présents en Italie et en deçà du Rhin de l'ancien 14e hussards, soit 28 officiers, 684 hommes et 353 chevaux. Le nouveau 14e hussards est organisé en 6 escadrons pour 53 officiers et 988 hommes dont 647 conscrits ne sachant pas ou peu monter à cheval de manière militaire.

Les magasins des anciens 13e et 14e hussards comptent des effets confectionnés et des fournitures. Si les fournitures en magasin de l'ancien 14e hussards sont maigres[9], celles de l'ancien 13e sont plus conséquentes ; si l'on trouve 225 m de drap marron, 245 m de drap bleu ciel, il y a surtout 744 m de drap vert et 685 m de tricot vert. A ceci s'ajoutent les fournitures comme les tresses plates et carrées, de la peau pour les charivaris, de la fourrure pour les pelisses, 150 cordons de pelisse et des boutons, petits, moyens et gros. Le 14e hérite aussi d'effets confectionnés dans les magasins et en service des anciens 13e et 14e. Se trouve alors :

Si l’uniforme reste le même que le 14e de première formation pour le 5e escadron, le charivari est vert soutaché de rouge comme le prévoit le règlement de 1812. Le shako laisse la place au shako rouleau noir dans la 1ère compagnie. Pour les autres escadrons du régiment, les couleurs adoptées semblent être celles prévues pour le régiment en 1813, celles du 8e hussards : dolman et pelisse verts tressés de blanc, collet et parements rouges, hongroise rouge mais avec les boutons jaunes au lieu d'être blancs.

Toutefois, à la vue des effets existants dans les magasins du régiment, confectionnés pour les anciens 13e et 14e, en drap marron, il est fort peu probable, que hormis les officiers, les cavaliers aient touché une pelisse verte. Tout au plus une partie du régiment a peut-être reçu un dolman vert et la hongroise rouge[10].

Le régiment est rapidement habillé et au complet : dolman, pelisse, veste d'écurie, bonnet de police, shako, manteau, charivari, hongroise, gilet, ceinture-écharpe, sabretache. Lorsqu'il est dissous, le magasin est encore largement pourvu en effets.

Le 8 mars les trois premiers escadrons, instruits et équipés, sont envoyés à l’armée de Lyon sous les ordres du colonel Bureaux de Pusy. Ils rejoignent Chambéry puis combattent à Fort l’Ecluse avant de se replier le 24 mars. En avril 1814, des escadrons se mettent en route sur l’Allemagne sous les ordres du chef d’escadron Signoretti.

Le 14e régiment de Hussards est dissous en France le 12 mai 1814. Une partie des hussards entre dans le 4e à Vienne. Le 20 juin, les derniers hussards rejoignent Turin où le régiment est licencié le 16 juillet.

 

Jérôme Croyet
docteur en histoire
président de la SEHRI

[1]   Le 26 février Napoléon écrit au duc de Feltre : « Les 13e et 14e régiments de nouvelle formation auront trois ou quatre escadrons, selon le nombre d’hommes qu’offriront les départements au-delà des Alpes ».

[2] Il s'agit du décret du 7 février 1813.

[3] Lettre du minister directeur de l'administration de la guerre au comte Daru, 3 avril 1813. A.N.

[4]  Il reçoit sa lettre de service à Amiens. Il se met en route rapidement et arrive à Turin le 13 mars.

[5]   Il est remplacé par le major Blot, du 26e régiment de chasseurs à cheval, le 10 mars 1813, Canavas étant passé aux dragons de la Garde royale italienne.

[6] 2 capitaines, 3 lieutenants et 5 sous-lieutenants.

[7]  Journal de l’Empire, Centre de documentation du Musée de l’Empéri, T16.

[8]     MONTESQUIOU-FEZENAC (Raymond) : Mémoires.

[9]               Il y a 0,15m de drap brun, 4,90m de bleu ciel, 2,59m de drap vert et 13m de flanelle. Rien d’autre.

[10]             Lors de l’amalgame du 14e au 4e, le dépôt du régiment possède du drap écarlate en magasin.